Bon déjà, lire ce livre à Buenos Aires le rend hyper exotique parce qu’il n’y a pas IKEA ici.
Ensuite, c’est donc l’histoire d’un fakir indien qui vient à Paris pour acheter un lit à clous et qui se retrouve malgré lui embarqué dans un extraordinaire voyage qui le mène au cœur du business de l’immigration clandestine.
Mis à part les vieux jeux de mot un peu lourds et répétitifs sur les noms indiens qui sont trop longs (on le savait déjà merci), j’ai beaucoup aimé ce livre. Je l’ai trouvé bien écrit, drôle et très humain. C’est un livre facile à lire et on entre rapidement dans l’histoire.
Les quelques passages suivants ont particulièrement attiré mon attention :
Au fond j’crois qu’la terre est ronde,
Pour une seule bonne raison…
Après avoir faire le tour du monde,
Tout c’qu’on veut c’est être à la maison.
Orelsan
Bon là, je me suis dit que ça commençait mal. Quelle drôle d’idée de citer un rappeur français moyen. Mais en relisant les deux dernières phrases je me suis dit, mais oui, c’est tout à fait ce que je ressens…Attention, voyager et vivre à l’étranger c’est génial. Mais la seule chose qui manque vraiment, c’est de se sentir à la maison, entouré des gens qu’on aime et qui nous aiment et nous connaissent. C’est le genre de manque dont on peut avoir honte, on est à l’étranger, we are living the dream, malgré ça, on a toujours un petit pincement au cœur en repensant à la maison.
Jamais je n’aurais pensé éprouver un sentiment mélancolique aussi fort en lisant les paroles d’Orelsan ! Bien joué Romain Puertolas. Le prochain extrait est dans le même esprit :
Ces saladiers et ces lampes lui rappelaient, en quelque sorte, qu’il venait d’un monde bien différent. Et dire que s’il n’était pas venu jusque là, il n’aurait peut-être jamais su qu’un tel endroit existait ! Il faudrait qu’il raconte tout cela en détail à son cousin. Si seulement il avait été là. On ne profitait pas tant des choses et des découvertes lorsqu’on était seul. Et souvent, la nostalgie des siens rendait pauvre et insipide même le plus prodigieux des paysages.
Je ne m’identifie pas à la partie saladiers et lampes mais je vois bien l’idée ! Et c’est trop vrai. Parfois on me dit : wow, tu as trop de chance, tu peux voyager partout en Argentine ! Euh déjà non parce que je travaille, ensuite je n’ai pas forcément les moyens de me payer des voyages dans tous les sens et ensuite, voyager seule très bien, mais découvrir des endroits sans pouvoir partager ces découvertes avec les gens qu’on aime…c’est tout de suite moins sympa. Ça perd de sa saveur.
S’il ne savait pas ce qui allait lui arriver dans les dix prochaines minutes, l’indien était content d’être là. A cette heure-ci, il aurait dû se trouver dans l’avion, de retour chez lui Et aussi étrange que cela puisse paraître, cela ne lui manquait pas. Du moins, maintenant, là, tout de suite, car la pression venait de retomber un peu. Il se dit qu’il était en train de faire un voyage incroyable et qu’il rencontrait des personnes merveilleuses. Il fallait profiter de cet élan de joie, car dans quelques instants, il serait sûrement en train de se morfondre dans son lit, seul, en proie à la plus vivre des dépressions, celle des exilés, des instables, celle des sédentaires qui se retrouvent parachutés loin de chez eux, qui ont le mal du pays, le manque dans les veines et qui n’ont plus aucune branche à laquelle s’accrocher.
Cette sensation bizarre, surprenante, quand quelqu’un qui ne nous connait pas trouve les mots juste pour décrire ce qu’on a pu ressentir. C’est la force de l’écriture et des échanges. Je dois avouer que j’ai eu cette impression d’être parachutée en Argentine, toute seule, à l’autre bout du monde, en réalité c’est un choix professionnel que j’ai fait, mais on ne contrôle pas toutes ses impressions, ses perceptions émotionnelles, par essence dé-raisonnées et illogiques. Imagine alors comment doivent se sentir celles et ceux qui n’ont pas eu le choix, qui ont du laisser leur vie derrière eux et s’exiler dans des conditions qu’ils ne contrôlent pas. Ça fait deux ans que je vis de l’autre côté de l’Atlantique, et honnêtement ça a aiguisé ma compassion envers ceux qui sont loin de chez eux…je ne chanterai pas pour eux, ça vaut mieux.
Comme on le voit dans le dessin animé Vice Versa (oui je me cultive parfois), il est important d’accepter d’être triste, triste de se sentir seul et loin. Comme dit Jessie J (wow mais quelle culture!) « It’s ok, not to be ok ». L’important est de se concentrer sur le positif et de se relever. Et puis dans notre monde interconnecté, la solitude est relative, on n’est toujours qu’à un clic des siens, où qu’ils soient.
En y pensant bien, il avait eu de la chance. Il avait fait un extraordinaire voyage […], un voyage intérieur qui lui avait appris que c’est en découvrant qu’il existe autre chose ailleurs que l’on peut devenir quelqu’un d’autre.
Bref, merveilleuse lecture. Lisez, voyagez, vivez.